Mare di Bärnoise

Comme – presque – toute la population de la ville, la Bärnoise se rend régulièrement à la Gelateria di Berna. En plus de dix ans, combien d’heures a-t-elle passé à attendre son cornet de glace?

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Même l’improbable glace au parfum de champignons est passée sur la langue de Patricia Michaud. (Bild: Silja Elsener)

C’est l’un des secrets les moins bien gardés de la capitale fédérale: durant la belle saison, par temps ensoleillé, chacune des quatre filiales de la Gelateria di Berna est prise d’assaut par les gourmand·e·s de tous âges. S’ensuivent des queues faisant parfois le tour du pâté de maisons, qui ne sont pas sans rappeler ces images d’archive datant de la crise financière de 1929, sur lesquelles on voit d’interminables files de chômeur·euse·s attendant leur tour devant les agences de placement. Signe ultime du succès de cette entreprise familiale qui a démarré ses activités en 2010 dans le quartier de la Länggasse? Elle compte désormais des antennes à Zurich et à Bâle, un vrai exploit pour une société estampillée «di Berna».

Réveiller l’aventurière

Une vraie Bärnoise se souviendrait sans doute de la première glace dégustée dans la cultissime enseigne. Honte à moi, ma mémoire n’a pas gardé la trace de la filiale dans laquelle j’ai effectué mon baptême du cornet. Ni celle du duo de parfums sélectionnés à cette occasion, même si, me connaissant, il devait s’agir d’une combinaison particulièrement calorique du style cacahuète-massepain ou stracciatella-‘Mare di Nutella’ (qui, à l’époque, n’avait pas encore été renommée ‘Mare di Berna’). Ce dont je me rappelle, c’est d’avoir ressenti une délicieuse explosion de saveurs sur ma langue; et de m’être dit que vu les prix relativement doux, j’aurais mieux fait de m’offrir le format supérieur.

Une bonne décennie plus tard, à l’image de la plupart des habitant·e·s de la ville, je peux me targuer d’avoir au compteur gastrique un nombre assez impressionnant de cornets ou petits pots labellisés «gdb». Il faut dire que - hasard de la vie ou pas - tous les quartiers dans lesquels j’ai vécu hébergeaient une filiale de la bien-nommée gelateria. Durant toutes ces années, la sociologue qui sommeille en moi a compilé une jolie brochette d’observations. La première, c’est que contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire les chaînes du type Starbucks, axer son business sur un concept minimaliste peut être un gage de succès. A la Gelateria di Berna, on ne s’embarrasse pas de vendre du café ou des sandwichs. La glace, un point c’est tout. Deux tailles, deux contenants à choix et basta!

Autre point intéressant à relever: la «gdb» réveille l’aventurière qui sommeille en chaque Bärnoise. Alors que d’habitude, je ne suis pas franchement adepte d’expériences culinaires pointues, je pense avoir testé chacune des éditions limitées développées dans les laboratoires de la Gelateria di Berna. Même l’improbable glace aux champignons – subtilement baptisée «sous-bois» pour l’occasion – est passée par ma bouche. Un parfum qui, soit dit au passage, a disparu de l’assortiment presque aussi vite qu’il l’avait intégré.

Zen di Berna

S’il ne fallait mentionner qu’un seul élément qui ne laisse pas de m’étonner, ce serait celui-ci: à l’ère du fast food et de la société à 150km/h, où tout doit être fait «pour hier», les client·e·s de la Gelateria di Berna – moi y compris - sont prêt·e·s à faire la queue pour une durée ridiculement élevée afin de s’offrir un petit plaisir sucré… avalé en quelques minutes. J’ai pris la pleine ampleur de ce phénomène lorsque j’ai emmené mon fils, alors âgé de 5 ans, à la filiale de Mattenhof. Refroidie par une file qui paraissait interminable, je lui ai proposé de traverser la rue et d’aller acheter un bâtonnet glacé à l’épicerie d’en face. Il m’a indiqué sur un ton sans appel qu’il n’en était pas question.

Nous avons attendu plus d’une heure. Pas une seule fois mon petit bonhomme n’a manifesté ne serait-ce qu’un signe d’impatience. Une attitude irréprochable qui en valait la peine. Non seulement il a eu pour la première fois le droit à une glace taille adulte, mais je lui ai aussi – enfin! – pardonné la honte qu’il m’avait fichue lors de notre visite précédente à la «gdb». Ce jour-là je l’avais chargé d’aller «tout seul comme un grand» commander deux cornets de glace taille enfant: un pour lui, un pour moi, alors que je savais pertinemment que la version enfant était réservée… aux enfants. A peine arrivé au comptoir, il s’est retourné vers moi, restée à l’entrée, et a crié:«Maman, tu le voulais à quoi déjà, ton cornet pour enfant?»

Ce que même les vraies Bärnoises ne savent pas: 

Aussi durable que possible: la Gelateria di Berna mise tant que faire se peut sur des produits frais locaux et bio. Sans surprise, cette règle comporte des exceptions: vanille, fruits exotiques ou cacao sont importés. Une autre entorse concerne la glace à la fraise. Convaincu·e·s que les (petit·e·s et grand·e·s) enfants ne sauraient se contenter de déguster ce parfum culte durant quelques semaines par année, les propriétaires de l’entreprise ont trouvé une solution: lorsque les fruits sont mûrs, ils sont réduits en purée puis congelés.

A propos de Patricia Michaud

Patricia Michaud est une journaliste freelance suisse romande. Depuis plus de quinze ans, elle habite et travaille à Berne. Dans cette chronique en français, elle raconte ses efforts – plus ou moins couronnés de succès – pour devenir une vraie Bärnoise.

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Diskussion

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Toni Menninger
11. September 2024 um 16:23

Kein Witz aber die Bereitschaft des Berner Publikums, sich für Glace anzustellen, wird nur von den Menschen in Havanna üebrtroffen, wo die Schlange vor der berühmten Eisdiele Coppelia sich um den ganzen Block schlängelt.