Là-haut

Le Münster est le symbole de Berne par excellence. Après s’être enfin décidée à en gravir la tour, l’aspirante bärnoise Patricia Michaud vise désormais plus haut.

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Les touristes ne peuvent pas rater la visite de la tour du Münster, la Bärnoise non plus. (Bild: Silja Elsener)

«Ma tour Eiffel.» C’est ainsi qu’une copine parisienne, qui vit depuis une dizaine d’années à Berne, considère le Münster. Lorsqu’elle se balade en ville de nuit, elle cherche instinctivement du regard l’imposante tour de l’édifice gothique, qui, nimbée de lumière, s’élève vers le ciel à l’image du célèbre monument français.

Dans la vie de Daniela Wäfler, la tour de la collégiale médiévale revêt une importance plus grande encore: il s’agit de son lieu de travail. Depuis un peu plus d’un an, cette quadragénaire originaire d’Adelboden en est la gardienne. Elle est notamment en charge de l’accueil des visiteur·euse·s venu·e·s s’attaquer aux 344 marches, ainsi que de leur sécurité. Un job qu’elle décrit comme passionnant… et prenant. Un soir, alors qu’elle venait de regagner son appartement situé au nord de la ville, elle a constaté en regardant par la fenêtre que la lumière était restée allumée à l’étage supérieur de la tour du Münster. Ni une ni deux, elle est retournée l’éteindre. Parfois, elle emporte son sac de couchage au boulot. Le soir venu, elle l’étale sur un matelas gonflable dans la salle qui surplombe la terrasse de la collégiale et passe la nuit près de 100 mètres au-dessus des toits de la Vieille ville.

C’est lorsqu’un magazine m’a commandé il y a quelques mois une interview de Daniela que j’ai réalisé que je n’étais encore jamais montée sur la tour du plus grand édifice religieux helvétique de la fin du Moyen Age. Symbole par excellence de la capitale fédérale, visible à des kilomètres, elle était passée sous mon radar. Il faut dire à ma décharge que la plupart des Bärnois·es font cette expérience durant l’enfance, dans le cadre d’une course d’école. Tandis qu’en compagnie de mes camarades de classe, je me prélassais sur un bateau voguant en direction du Vully ou que j’admirais les lépidoptères géants du Papiliorama, ils et elles suaient dans l’étroit escalier en colimaçon menant là-haut, tout là-haut.

Patricia Michaud
A propos de Patricia Michaud

Patricia Michaud est une journaliste freelance suisse romande. Depuis plus de quinze ans, elle habite et travaille à Berne. Dans cette chronique en français, elle raconte ses efforts – plus ou moins couronnés de succès – pour devenir une vraie Bärnoise.

Au treizième coup de minuit

Certes, aucune chance pour moi de rattraper cette initiation précoce aux joies des vieilles pierres, des grosses cloches et de la belle vue. Qu’à cela ne tienne, la rencontre avec la gardienne de la tour du Münster a été l’occasion de me plonger dans les coulisses de ce fer de lance touristique bernois, construit entre 1421 et 1893. La tant attendue vue panoramique depuis la terrasse laissant à désirer en raison d’une météo maussade, nous nous sommes rapidement réfugiées à l’intérieur, dans le ventre rassurant et sec de l’édifice religieux. Daniela m’a notamment montré l’étroite pièce qui lui sert de bureau dans la tour. Deux fois par jour, lorsque sonne l’appel à la prière, elle est prise de tels tremblements qu’il n’est plus possible d’y travailler. Une pause s’impose alors, qui permet de ressentir pleinement la magie du lieu.

Alors que nous visitions l’espace réservé aux imposantes cloches, Daniela a pointé du doigt celle nommée Burgerglocke. Le 31 décembre, elle est utilisée pour sonner – manuellement – les douze coups de minuit. L’année passée, c’est à la nouvelle gardienne de la tour qu’a été confiée cette mission d’autant plus délicate que la cloche s’entend loin à la ronde. Malgré une préparation minutieuse et la présence en renfort de son compagnon, la novice a été prise d’un doute affreux juste après avoir sonné le onzième coup: s’agissait-il bien du onzième ou déjà du douzième? Le cas échéant, valait-il mieux prendre le risque de ne sonner que onze coups ou d’en sonner treize?

Un défi vertigineux

Depuis ma visite de la tour de la collégiale, où que je me trouve à Berne, je me surprends à chercher du regard cet édifice. J’ai alors une petite pensée pour Daniela, que j’imagine dans son bureau haut perché, en train de faire sa brève pause méditative. Levant les yeux encore plus haut, je me demande si je devrais m’associer au courageux défi que s’est lancé la gardienne: grimper un jour sur la flèche du Münster, équipée d’un baudrier et d’une corde. Serai-je alors enfin une vraie Bärnoise?

Ce que même les vraies Bärnoises ne savent pas:

Se (re)faire une santé en avalant plusieurs fois par mois, par semaine, voire par jour, les 344 marches de la tour du Münster. Le tout à un tarif beaucoup plus avantageux que celui d’une salle de fitness, avec en prime une vue imprenable sur la ville de Berne et ses alentours. Pour la somme de 60 francs par an, on peut acquérir le «Fitness-Abo», un sésame permettant de gravir l’édifice autant de fois que le cœur et les jambes le souhaitent durant les heures d’ouverture.

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Diskussion

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Heinrich Kienholz
30. Mai 2024 um 18:27

Merci pour vos contributions sympathiques et intéressantes ! Le regard extérieur, sans préjugés et curieux, fait du bien à tout le monde.