Salon sur cour

Patricia Michaud l’a appris à la dure: même si le climat suisse n’est pas méditerranéen, renoncer à un balcon est une fausse bonne idée. Désormais, elle voue un culte à son canapé extérieur.

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Grâce à son balcon, la Bärnoise expérimente la nature de proximité dans sa plus simple expression. (Bild: Silja Elsener)

La radinerie ne paie pas: je l’ai appris à mes dépens il y a cinq ans, tandis que je cherchais un nouveau logement à Berne. Soucieuse de faire des économies, j’avais décidé de renoncer à un balcon. Après tout, vu le nombre de jours d’ensoleillement en Suisse… Tel était mon raisonnement. Quelques semaines plus tard, je signais le contrat de bail d’un appartement à la fois spacieux et lumineux, situé dans le quartier de Mattenhof. Le salon étant agrémenté de fenêtres, je me disais que les ouvrir grand en été serait un peu comme avoir un balcon.

Quinze jours après, le Conseil fédéral prenait son implacable décision: notre pays était placé en semi-confinement. Comme pour me faire un pied de nez, le printemps a décidé cette année-là de débarquer de manière précoce. J’ai alors été confrontée à la dure réalité: non, ouvrir grand les fenêtres, ce n’est pas comme sortir prendre son café sur le balcon. Ni manger sur le balcon. Ni bouquiner sur le balcon. Et encore moins y passer la moitié de la journée par beau temps lorsqu’on est coincée à la maison avec un enfant malade en bas âge.

Le prix de la quatrième pièce

Deux ans plus tard, rebelote. Pour des questions d’organisation familiale, je décide de déménager à la Länggasse. Cette fois-ci, on ne m’y reprendra pas: quitte à casser ma tirelire, je dénicherai un logement avec avancée extérieure. Les Bärnoises le savent bien: dans ce quartier, même un studio sans balcon coûte un bras. Alors un 3,5 pièces avec balcon…

Me voilà donc installée dans mon nouveau – et onéreux – nid, prête à fêter l’arrivée de la belle saison sur mon balcon équipé d’une table, de chaises et de pots de fleurs flambant neufs. La belle saison arrive, la belle saison passe, le bilan est mitigé: finalement, je n’ai fait que de rares et brèves incursions dans cette quatrième pièce à l’air libre. Il faut dire que les sièges en bois et métal inconfortables acquis chez le géant scandinave de l’ameublement se sont avérés peu propices à de longues sessions de lecture, de tricot ou de méditation.

Coup de stress

Il me faut attendre deux ans, et une visite chez mon frère et sa compagne, pour avoir LA révélation. Leur balcon est agrémenté d’un sofa moelleux, que mon bouquin et moi nous approprions sans mauvaise conscience durant l’intégralité du séjour. A peine rentrée chez moi, je dégaine mon ordinateur, fais quelques recherches sur Internet et m’empresse de commander l’un des seuls canapés correspondant aux dimensions – assez modestes – de mon balcon.

Lorsque le moment tant anticipé de la livraison arrive, coup de stress: le paquet que déposent dans mon salon les deux solides employés de la compagnie fait à peu près la même taille que mon balcon. Une fois monté – moyennant l’aide d’une gentille voisine davantage manuelle que moi – le divan est heureusement un peu moins massif que redouté. Il occupe néanmoins une bonne partie du balcon. Las, la table, les chaises et les pots de fleurs sont relégués dans un coin.

En pleine conscience

En moins d’une année, mon canapé d’extérieur a pris une importance insoupçonnée dans mon quotidien citadin. Littéralement multifonctions, il sert à la fois de coin lecture, de cantine, de salle de cinéma et même de lit. Fin 2024, les jours froids approchaient, je n’ai pas eu le courage de remiser les coussins à la cave et ai décidé de prendre le risque de les exposer à la neige et aux températures négatives. Plus d’une fois durant l’hiver, j’ai pris mon repas de midi dehors, emmitouflée dans une grosse couverture.

Phénomène intéressant, la transformation de mon balcon en cocon douillet m’a permis d’amorcer en douceur un virage qui me tentait depuis longtemps: apprendre à me «poser», à ne pas systématiquement associer le fait d’être à l’extérieur avec une activité physique. Jouir tout simplement de l’air frais, savourer le chant des oiseaux perchés dans les arbres de la cour intérieure de mon immeuble, observer les nuages. Bref, faire l’expérience de la nature de proximité dans sa plus simple expression.

Et quand l’odeur pestilentielle d’une cigarette, la musique agressive d’une sono ou le moteur vrombissant d’une automobile dans la cour me rappellent (trop) brutalement à la réalité urbaine? Plusieurs options s’offrent alors à moi: en profiter pour m’entraîner à la relaxation, aller faire une balade dans la Bremgartenwald toute proche ou me réfugier à l’intérieur, dans le salon. Vu la taille de mon Monstera, on s’y croirait presque dans la jungle.

À déguster en «chillant» sur le balcon: Écoute (Honey for Petzi)

A propos de Patricia Michaud:

Patricia Michaud est une journaliste freelance suisse romande. Depuis plus de quinze ans, elle habite et travaille à Berne. Durant cette deuxième année de publication, la chronique «Bärnoise» se met au vert. Le temps d’explorer la nature de proximité.

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