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Zibelegraben

La popularité du marché aux oignons de Berne n’a d’égale que la quantité de confettis lancés. Une année plus tard, Patricia Michaud continue à en retrouver dans son appartement.

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Après l’avoir tracé de sa «bucket list», la Bärnoise pensait être débarrassée du Zibelemärit. Plus vite dit que fait… (Bild: Silja Elsener)

L’autre jour en faisant le ménage, j’ai trouvé un confetti dans mon salon. Normal, me direz-vous: moins d’une semaine après le Zibelemärit, quel logement bernois n’est pas envahi par les petits morceaux de papier multicolores? Sauf que dans mon cas, la dernière virée au marché aux oignons remonte à 2023. Ce qui tendrait à démontrer qu’une de mes théories tient la route: après la participation à un évènement tel que carnaval ou fête locale, il faut une année entière pour se débarrer des confettis ramenés chez soi.

Je l’admets, il est tout aussi probable que le fameux confetti décollé du pied de mon canapé ne date que de quelques jours. Le soir et le lendemain du Zibelemärit, j’ai eu beau slalomer avec un niveau de concentration digne de celui d’une neurochirurgienne entre les tas bigarrés abandonnés sur la plupart des trottoirs de la ville, il n’est pas exclu que l’une ou l’autre pastille de couleur se soit accrochée à mes sneakers. Et ait profité de ce moyen de transport gratuit pour venir passer des vacances chez moi.

Voilà qui m’inspire une autre théorie: le marché aux oignons, il n’est tout simplement pas possible d’y échapper lorsqu’on vit dans la capitale fédérale. Il colle littéralement aux baskets comme un vieux chewing-gum. Chassez-le par la porte et il reviendra par la fenêtre.

De la cellulose au dessert

L’an dernier, bonne apprentie Bärnoise que je suis, j’ai décidé d’aller voir par moi-même de quoi il en retourne. Auparavant, j’avais réussi à échapper aux relents d’oignons, haleines matinales avinées et autres joies du Zibelemärit en fixant systématiquement des rendez-vous professionnels «ultraimportants» ce jour-là.

Je garde un souvenir assez voluptueux de ce lundi matin passé en pyjama, notre tradition familiale prévoyant que ce sont les enfants qui se chargent d’aller à la boulangerie acheter les gâteaux aux oignons pour le repas de midi. Bien moins voluptueuse est l’image mentale que m’ont laissée les trois tonnes de papier avalées durant l’après-midi, au gré de mes pérégrinations dans la vieille ville et des batailles de confettis dans lesquelles je me suis retrouvée impliquée bien malgré moi. Mais comment donc font les fêtard·e·s pour ingurgiter autant de bière alors que leur ventre est rempli de cellulose?

Chewing-gum à l’oignon

Cette année, quitte à jouer les mauvaises Bärnoises, j’ai décidé de passer mon tour. Et de renouer avec l’habitude de remplir mon agenda professionnel à ras bord pour donner le change. Après tout, une bonne partie de ma clientèle est extra-cantonale donc ne s’offusque pas lorsque je propose un rendez-vous le jour du Zibelemärit. Voire ne s’en rend pas du tout compte.

Le matin en question, en ouvrant la fenêtre de la cuisine, j’ai aperçu les premiers amas de confettis humides en bas de mon immeuble. Soucieuse de déconnecter autant que possible du thème de l’oignon, j’ai allumé la radio et choisi une station francophone. L’animatrice était en train d’annoncer que MétéoSuisse anticipait une journée sèche en Suisse romande. Je me suis noté mentalement de vérifier plus tard sur mon smartphone si les prévisions étaient les mêmes côté alémanique (si, si, il existe un Röstigraben météorologique).

Lorsque mon attention s’est à nouveau portée sur les paroles de l’animatrice radio, j’ai réalisé que cette dernière expliquait par le menu détail les origines historiques supposées du Zibelemärit bernois. Je vous l’ai dit: aussi collant qu’un vieux chewing-gum. Le parfum d’oignon en plus.

Ce que même les vraies Bärnoises ne savent pas: 

Emblème de la manifestation, le marché se réduit comme peau de chagrin. En dix ans, le nombre de stands a baissé de plus d’un cinquième, pour atteindre 470 en 2023, dont seulement 100 dévoués aux oignons. Quant à la quantité de bulbes vendue durant le Zibelemärit, elle est passée d’environ 50 tonnes avant la pandémie de Covid-19 à entre 20 et 30 tonnes actuellement.

A propos de Patricia Michaud

Patricia Michaud est une journaliste freelance suisse romande. Depuis plus de quinze ans, elle habite et travaille à Berne. Dans cette chronique en français, elle raconte ses efforts – plus ou moins couronnés de succès – pour devenir une vraie Bärnoise.

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